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« J’utilise les mélanges suisses pour affourager mon troupeau »

L’atout de la précocité. À gauche, Régis Leborgne dans une prairie de ray-grass anglais-trèfle blanc destinée au pâturage, fin février. À droite, à la même date, la hauteur d’herbe offerte par le mélange suisse de courte durée.

À la recherche d’une plus grande autonomie protéique, Régis Leborgne, installé en Seine-Maritime, valorise la pousse d’herbe de ses mélanges suisses pour ­affourager très tôt en sortie d’hiver, mais aussi à l’automne.

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Cultiver de l’herbe dans des terres riches et profondes reste une pratique encore difficile à envisager. C’est pourtant l’orientation prise par Régis Leborgne : réduire la part de maïs au profit de l’herbe, en vue de maîtriser ses coûts. Son exploitation se trouve au cœur du pays de Caux, plateau calcaire au climat océanique tempéré, où les rendements du maïs ensilage non irrigué atteignent sans problème 16 tonnes de matière sèche chaque année.

« Le système maïs + soja est simple à mettre en œuvre, mais économiquement, ça ne passe plus, malgré une stratégie d’approvisionnement anticipée en tourteau, explique l’éleveur. Aussi, j’ai choisi de ressemer mes prairies et d’implanter des dérobées de longue durée. »

« Toutes les prairies permanentes ont été ressemées »

Dans cette logique, Régis a ressemé depuis trois ans toutes ses prairies permanentes, soit 36 ha d’herbe, plus éloignées des bâtiments et destinées à une utilisation mixte (fauche et pâture). Sur les conseils de ­Laurent Anquetil, technico-commercial du réseau Océadis, il a choisi un mélange suisse, Famosa 44, de la société Schweizer (voir encadré page 37).

Ici, l’absence de pluie estivale n’est pas à redouter. Le semis (30 kg/ha) est réalisé fin août, 15 jours après le brûlage de la vieille prairie et sa destruction au chisel, dans un sol chaud favorable à une levée rapide. « Je privilégie le semis de fin d’été car je suis plus disponible, mais surtout pour bénéficier à plein de la grosse pousse d’herbe du printemps suivant. » Les graines de légumineuses, beaucoup plus petites, ayant tendance à tomber au fond de la trémie du semoir, il ne sème pas plus d’un hectare à la fois et n’hésite pas à s’arrêter pour remuer au moins une fois manuellement les semences dans la trémie, afin de garantir l’homogénéité du mélange. Les socs du semoir combiné sont relevés au maximum pour ne pas enterrer la graine. Le semis est suivi d’un passage de rouleau.

« L’affouragement assure la transition avant la mise à l’herbe »

Dans ces parcelles, 13 ha sont récoltés mi-avril à l’aide d’une barre de coupe frontale et d’une remorque autochargeuse d’une capacité de 40 m³ pour laquelle l’éleveur a investi 70 000 €. « Ce sont des chantiers que je réalise seul et qui sont beaucoup moins lourds à organiser que la récolte du maïs en entraide », souligne l’éleveur. Sur le reste de ces prairies, les génisses sont mises à l’herbe début avril. Puis les surfaces fauchées sont réintroduites dans leur cycle de pâturage, pour une rentrée à l’étable au mois d’octobre. Les 130 laitières ne sont pas en reste.

À proximité des bâtiments, l’éleveur a implanté en remplacement du maïs, 2 ha de betteraves fourragères, 1,6 ha de trèfle violet pur, 3 ha de ray-grass hybride-trèfle violet, 5,5 ha de mélange hollandais ray-grass-trèfle blanc (avec du lotier et de la chicorée apportés au semis par l’éleveur) et 10 ha de dérobée suisse de longue durée (voir encadré page 37). Cette dernière a été semée début août 2015, après un escourgeon, et exploitée une première fois dès l’automne pour affourager le troupeau. L’affouragement a repris à partir du 15 février, « seulement sur 1,5 à 2 ha, ce qui permet d’assurer une transition de trois semaines avant la mise à l’herbe dans le mélange hollandais, explique Régis. L’herbe est distribuée à l’auge le matin par-dessus la ration, pour un temps de travail d’environ quarante-cinq minutes ». Le reste de la surface a reçu 15 m³ de lisier en février, avant une première coupe d’ensilage entre le 15 et le 20 avril. Deux autres coupes ont été réalisées après un mois environ de repousses. En juillet, le mélange a été réintroduit pour le pâturage des laitières (soit 18 ha d’herbe au total) et une partie a servi à affourager les animaux pendant deux mois après la rentrée à l’étable. « Cette dernière coupe favorise un bon redémarrage en sortie d’hiver, mais il ne faut surtout pas faucher trop ras. »

« 14 tonnes de MS pour les dérobées de longue durée »

Après une dernière coupe précoce, cette prairie sera retournée au bout d’un peu moins de deux ans (août 2015-avril 2017) pour implanter un maïs. L’éleveur évalue le rendement annuel entre 14 et 15 t onnes de matière sèche (NDLR : rendements betterave fourragère 24 t). Il a ainsi pu conserver un haut niveau de production (9 500 l/VL) sans empiéter sur ses cultures de ventes. « Comparé aux essais de luzerne pure que j’ai réalisés et des difficultés d’implantation rencontrées, les rendements vont du simple au double, observe Régis. Ce mélange suisse démarre aussi beaucoup plus vite en sortie d’hiver qu’un ray-grass hybride-trèfle violet. Mais ce dernier pousse aussi bien, voire mieux en été. Compte tenu de l’hétérogénéité des sols, il est difficile d’évaluer la différence de rendements. »

Autres avantages évoqués : l’absence de refus au pâturage, que ce soit avec les génisses ou avec les adultes, et la disparition des problèmes de météorisation rencontrés avec les mélanges hollandais au pâturage.

Jérôme Pezon

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